Afrique du Sud: Des chants font vibrer l’âme zouloue

Dans un concours d’isicathamiya, les chants zoulous a cappella, le moindre détail compte: la justesse des harmonies, la chorégraphie, les costumes, l’entrée sur scène et la sortie.

Philani et sa quinzaine de jeunes chanteurs viennent de réussir la leur, sous les vivats .Après cinq minutes d’une performance chorale  millimétrée, où le groupe a fait entendre la puissance de ses voix de basse rehaussée par deux paires d’altos et sopranos, les chanteurs, sautillant en rythme d’un pied sur l’autre, ont enlevé la veste de leur costume saumon, l’ont soigneusement repliée sur leur avant-bras et, dans un pas de danse synchrone, ont quitté la scène en file indienne.

A l’heure où à  Cape Town ou Johannesburg, de nombreux Sud-Africains étaient rassemblés, samedi dernier,  pour regarder leur équipe nationale en découdre avec l’Irlande en Coupe du monde de rugby des centaines de spectateurs ont vibré au son des rythmes entraînants des chanteurs d’isicathamiya, dans un théâtre de Durban (sud-est).Développé peu après la Première guerre mondiale par la communauté zouloue , le genre musical puise ses origines lointaines dans la musique locale, les chorales chrétiennes et les « minstrels shows », spectacles populaires aux Etats-Unis au milieu du 19e siècle. L’isicathamiya a pris son essor à la faveur de compétitions organisées par des Zoulous partis travailler dans les mines ou les grandes métropoles du pays et qui se retrouvaient, du samedi soir jusqu’au dimanche à l’aube, autour de leurs  chants et de  culture.

Samedi soir, pas moins de 130 groupes, exclusivement masculins, s’étaient enregistrés pour la compétition à Durban, la plus grande ville de la province du KwaZulu-Natal. Les formations, composées le plus souvent de plus de 10 chanteurs, se succèdent sur scène à un rythme soutenu pour présenter leur création originale, composée pour la compétition. Si la manière de chanter est ancrée dans une tradition bien établie, les thèmes des chansons renvoient souvent à des sujets contemporains: sécurité routière pour le groupe de Philani, mesures de lutte contre l’épidémie de

Covid-19 pour la formation suivante.

« C’est plus en lien avec la réalité que d’autres styles », explique  un spectateur. L’isicathamiya « a ce quelque chose d’Africain » , ajoute un autre , qui ira assister à un autre concours le week-end prochain .Des concours d’isicathamiya se déroulent tout au long de l’année mais  celui de Durban, dont la dernière édition remonte à 2019 en raison de l’épidémie de Covid-19, est présenté comme l’un des plus importants de la saison, organisé à la faveur du Heritage Day, un jour férié visant à promouvoir la diversité des cultures de la nation arc-en-ciel.Le genre musical – dont le nom issu de la racine « cathama » en langue zouloue évoque des pas légers, furtifs – avait accédé à une reconnaissance internationale avec l’album du chanteur américain PaulSimon « Graceland », en 1986, qui avait fait appel au groupe phare du genre, Ladysmith Black Mambazo.

La présence de nombreux jeunes chanteurs au festival  témoigne de la vitalité du genre.